Par: lapresse.
Les derniers mois n’ont pas été de tout repos pour l’ensemble des acteurs de notre système d’éducation public.
JOSÉE SCALABRINI
PRÉSIDENTE DE LA FÉDÉRATION DES SYNDICATS DE L’ENSEIGNEMENT, CENTRALE DES SYNDICATS DU QUÉBEC
En mars dernier, alors que la pandémie de la maladie à coronavirus nous frappait de plein fouet, le premier ministre a convié les syndicats à négocier de façon intensive et accélérée dans le but, disait-il, de mettre ces pourparlers derrière nous et de garantir une « paix sociale ». Bien que les enseignantes et enseignants n’avaient pas du tout la tête à la négociation à ce moment, nous avons accepté l’invitation insistante du gouvernement. Nous étions au rendez-vous. De toute évidence, malgré l’image qu’il voulait laisser, le gouvernement n’avait pas non plus la tête à la négociation.
Dans le contexte de la pandémie que nous vivons depuis plusieurs mois, la FSE-CSQ a démontré qu’on peut toujours compter sur elle quand vient le temps de trouver des solutions pour améliorer les choses en éducation. Dans un contexte difficile, les profs ont organisé le retour en classe de mai dernier avec brio, en moins de deux semaines. Cette opération a été réussie grâce au professionnalisme des enseignantes et enseignants et des équipes-écoles, car on va se le dire, les conditions n’étaient pas toutes réunies. La FSE-CSQ a joué son rôle en posant des questions, en demandant des réponses, en remettant parfois en doute certaines décisions gouvernementales. De bonne foi, elle a proposé des voies de passage réalisables afin de s’assurer que les décisions prises répondent aux besoins réels des profs et des élèves dans les écoles et les centres du Québec.
C’est avec la même attitude que la FSE-CSQ s’est présentée aux tables de négociation à la demande du premier ministre. Malheureusement, force est de constater que le gouvernement ne s’est pas présenté aux rencontres qu’il a lui-même convoquées.
Cette négociation devait être enfin l’occasion de mettre un baume sur la souffrance du personnel enseignant, en s’assurant que les services soient offerts aux élèves qui en ont besoin, en revoyant la composition de la classe et en reconnaissant son travail à sa juste valeur, notamment sur le plan de la rémunération.
Le gouvernement avait un autre plan en tête. Il souhaitait profiter de la crise ainsi que de son capital de sympathie pour tenter d’obtenir une entente au rabais avec les profs. Les enseignantes et enseignants ne sont pas dupes. Ils ont été catégoriques et ont refusé à 97 % les dernières offres gouvernementales.
Rappelons-nous que ce gouvernement se targuait de mettre l’éducation au cœur de ses priorités. De plus, le ministre de l’Éducation a répété à maintes reprises ses intentions d’améliorer les conditions de travail des enseignantes et enseignants pour attirer les meilleurs candidats, et retenir celles et ceux qui ont fait le choix de la profession enseignante. Mais entre le discours et la réalité de l’offre qui nous est faite, il y a un monde.
Alors qu’ils sont nombreux à être épuisés, est-ce en allongeant la semaine de travail qu’on rendrait la tâche du personnel enseignant humainement supportable ?
Est-ce en ne proposant rien pour améliorer la composition de la classe et en retirant les remparts qui garantissent les services aux élèves en difficulté qu’on améliorerait leur sort ?
Est-ce en revenant sur sa promesse phare d’éliminer les six premiers échelons salariaux que le gouvernement reconnaîtrait le travail des enseignantes et enseignants ? En leur offrant moins que l’inflation ?
Est-ce en offrant une majoration salariale minime à quelques enseignants émérites (des directions adjointes déguisées !) qu’on revaloriserait la profession enseignante et qu’on lui retirerait la palme de la moins bien payée au Canada ?
Si le gouvernement avait été réellement sincère et avait donné des mandats conséquents à son équipe de négociation pour qu’il y ait de véritables avancées aux tables de négociation, il aurait été possible d’en arriver à une entente rapidement. Malheureusement, il faut être deux pour danser.
Malgré le fait qu’il n’y aura rien de normal à la prochaine rentrée, les enseignantes et enseignants sont tout de même soulagés de voir que l’ensemble des élèves reprendront le chemin des établissements et des centres et que les spécialités seront enseignées, car elles favorisent la motivation de plusieurs et le développement global de chacun.
Oui, les enseignantes et enseignants ont hâte de retrouver leurs élèves. Parce qu’ils tiennent toujours à bout de bras l’école publique, ils seront tenus de mettre les bouchées doubles pour aider les plus vulnérables à rattraper le retard qu’ils ont accumulé au cours des derniers mois, sans qu’on leur donne toutes les ressources nécessaires.
Ils auraient cependant souhaité se consacrer aux élèves l’esprit tranquille, sans avoir à se préoccuper de la négociation nationale. Mais parce qu’ils aiment leurs élèves et leur profession, si besoin est, ils seront mobilisés.
Les enseignants seront prêts à poursuivre le combat pour obtenir une juste reconnaissance de la qualité de leur travail, car le gouvernement, qui s’était pourtant engagé à le faire, a manqué à sa parole.
On comprend qu’il pourrait être tenté de faire porter à la négociation le poids des ratés du plan de pandémie, comme il l’a fait pour les camps pédagogiques, alors que ce sont particulièrement les directions qui les décriaient. Nous avons trop donné dans les dernières semaines pour accepter d’être instrumentalisés ainsi.
L’arrivée de la nouvelle présidente du Conseil du trésor nous laisse cependant espérer un changement de ton dans les négociations. Sonia LeBel doit prendre rapidement conscience de l’ampleur des défis qui sont devant elle.
C’est le gouvernement qui voulait négocier en temps de pandémie. Les problèmes en éducation, il ne peut s’en laver les mains.
Source de l’interview: https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-06-26/les-problemes-en-education-le-gouvernement-ne-peut-s-en-laver-les-mains.php